92016Sep

J’ai peur d’aimer

J’ai peur d’aimer

Article de Christophe André / Psychiatre et psychothérapeute / Psychologie Magazine

Je n’ai jamais aimé.

J’ai peur d’aimer, je ne sais même plus si j’en suis capable…

Je me dis qu’il faut se lancer, oser, quitte à accepter de courir le risque d’en souffrir. Mais je me sens tellement enfermée en moi-même, comme prisonnière, dans un sens, que je ne sais même pas comment m’y prendre.

Oser, mais oser quoi ? Se lancer, mais vers quoi ? Si j’attends d’avoir réglé tous mes problèmes de confiance en moi et autres banalités douloureuses, j’y serais encore à 50 ans… Envolée, 25 ans

Effectivement, nous ne pouvons pas attendre d’avoir réglé tous nos problèmes pour nous décider à agir. D’ailleurs, ça n’existe pas, « avoir réglé tous ses problèmes » ! Ce qui existe, c’est d’agir malgré eux, de les laisser à leur place, sans renoncer à les améliorer, mais sans renoncer à exister malgré eux. Ils sont comme des invités indésirables à une fête : on annule la fête, ou on s’amuse malgré tout, même s’ils sont là dans un coin ?

Lorsqu’on ne sait plus très bien vers quoi tourner ses efforts, comme cela semble être votre cas, ce n’est pas qu’il n’y a plus d’efforts à faire ni d’objectifs à atteindre, mais c’est qu’on est trop isolé dans sa réflexion : pourquoi ne pas parler de ces questions avec quelques proches, en leur demandant de vous aider à réfléchir ? Que vous conseilleraient-ils, quelles erreurs vous voient-ils faire sans oser vous en parler ? Et si cela ne suffit pas, c’est un travail qu’il est possible de faire avec un thérapeute qui accepte cette dimension interactive (pas seulement vous écouter et vous aider à voir clair, mais aussi vous questionner, suggérer, bousculer).

En matière de difficultés avec l’amour, nous recommandons souvent d’élargir le champ, comme disent les photographes :

  • ne pas seulement se focaliser sur le lien amoureux, mais repenser tous nos autres liens
  • Voir comment nous nous engageons dans l’amitié, le bénévolat, les liens superficiels (voisins, collègues de travail, commerçants),
  • quel regard nous portons sur le genre humain en général.
  • Sommes-nous capables de ne rien attendre d’immédiat que le plaisir de l’échange ?
  • De donner sans attente de retour immédiat ?

Quant au risque de souffrir, il paraît impossible à éviter. Vivre et agir, c’est s’exposer à souffrir, nous le savons tous.

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