La colère
La colère
Article écrit par Isabelle TAUBES
Lorsqu’elle est apprivoisée, la plus animale de nos émotions peut nous assurer le respect d’autrui et une certaine paix.
Vous roulez tranquillement en voiture, quand un malotru vous double en klaxonnant. Immédiatement, la partie la plus primitive de votre cerveau s’affole, vos traits se durcissent… votre corps se prépare au combat !
Selon Christophe André et François Lelord, la colère, c’est l’animal en nous. Quelques heures après sa naissance, le nourrisson affamé et frustré l’expérimente déjà. Notre cousin le babouin la connaît également. Depuis l’époque d’Aristote (400 ans avant J-C), elle s’apparente pour les philosophes à une faute morale : l’homme juste et droit doit pouvoir contenir les passions de son âme. L’Eglise, elle, y voit un péché, une atteinte à l’ascèse qui exige une parfaite maîtrise de ses appétits intérieurs.
Signal d’alerte périmé
Pour Joseph Ledoux, psychologue, l’explosion colérique est un signal d’alerte périmé, qui survit dans une partie du cerveau émotionnel : l’amygdale. Utile chez le tout-petit incapable de traduire son vécu intime par des mots, elle cesse de l’être chez l’individu parlant. Les psychologues évolutionnistes tiennent la colère pour une réaction instinctive primaire. Nos ancêtres des cavernes trouvaient en elle la force de chasser leurs rivaux.
Respect et érotisme…
A nous, leurs descendants, elle sert essentiellement à nous faire respecter ! Car en s’exprimant – à la condition que nous n’en devenions pas l’esclave –, elle nous assure une paix relative. Et le plus merveilleux, c’est qu’il est souvent inutile de se mettre en rage pour de vrai, nous rappellent Christophe André et François Lelord. Essayez de faire les gros yeux à un nourrisson qui braille, il se taira aussitôt !
Autre vertu, souvent négligée de la colère : son pouvoir érotique. Chloé a connu sa plus belle histoire d’amour avec un confrère médecin qui s’était montré cinglant : elle a eu envie de le gifler, ils se sont parlés et ont chaviré dans la passion. Plus le corps est ému, plus l’émotion est intense, expliquent les deux psychiatres. Or, la colère provoque justement un grand remue-ménage corporel…
« Connais-toi toi-même. »
Trop de colère fait souffrir : quand on revient à la raison, on se sent piteux. Mais pas assez, aussi !
Christophe André et François Lelord conseillent donc de nous conformer au précepte de Socrate : « Connais-toi toi-même. » C’est-à-dire : apprendre à repérer les situations qui déchaînent nos pulsions agressives pour acquérir un meilleur contrôle de soi. Et pour les inhibés, essayer de comprendre pourquoi ils n’arrivent pas à sortir de leurs gonds : presque toujours, l’obstacle est le « surmoi », partie du psychisme qui nous inonde de culpabilité au moindre faux pas et réveille nos peurs infantiles de ne plus être aimés si nous nous montrons méchants.
Apprivoiser l’animal qui est en nous
En cas de colère immodérée, les psys nous invitent également à nous pencher sur notre propre aptitude à susciter lire d’autrui plutôt que de ne voir en nous que la victime. Et aux colériques parano enclins à croire que les appareils ménagers leur en veulent, ils rappellent qu’ils ne sont pas le centre de l’univers. Ils doivent essayer de supporter cette « injustice » : la nature, les bêtes et les gens ne tournent pas autour d’eux. Le tout est d’apprivoiser l’animal qui est en nous, sans chercher à le mettre à mort. Les émotions nous tiennent en vie et nous rendent humains !
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