L’EMPREINTE DU REJET
L’EMPREINTE DU REJET
Cette blessure raconte l’histoire d’un enfant qui se vit sans valeur, sans estime de lui-même, il se sent nul, inexistant, insignifiant, il a peur qu’on ne le voit pas.
Il a peur de ne pas être à la hauteur, de ne pas y arriver, de l’échec, de se tromper, du jugement des autres, même si c’est avant tout le sien qu’il subit, peur par extension de la colère de l’autre ou du reproche qui pourrait ouvrir cette brèche du sentiment d’être rejeté.
Il ne se sent pas considéré, pas important, il a l’impression de ne pas exister, de ne pas avoir sa place, il ne sent pas légitime, ni dans ses envies, ni dans ses besoins , ni dans ce qui lui est propre, c’est comme si le simple fait d’être présent ne suffisait pas , il doit toujours justifier sa présence, faire pour prendre une place ou sa place, se battre pour avoir l’impression d’avoir le droit d’exister.…
C’est l’histoire d’un enfant qui ne s’est pas senti accueilli dans ce qu’il était, dans ses besoins propres, ses idées, sa manière d’être au monde, sa spécificité, soit parce qu’il s’est senti jugé et rejeté, soit parce qu’il ne s’est pas senti vu, ni écouté, ni entendu, simplement parce qu’il était différent, autre.
Il niera tout seul cette différence qui n’aura pas été validée, se sentant le plus souvent coupé de lui, séparé, en opposition, validant le rationnel comme seul norme, niant son intuition, se rejetant lui-même à cet instant précis.
Il ne se sent pas vraiment désiré, voulu, il ne sent pas que l’autre le veut vraiment dans sa vie ; c’est comme si cet enfant sentait qu’il était accepté par défaut, parce qu’il est là et qu’on ne peut pas le nier ;il peut se sentir comme un second choix, il y a toujours mieux que lui, il se sent en trop, il dérange, il encombre, il ne s’est pas ou se mettre, il s’excuse d’exister…..il se mettra en retrait, il se cachera comme tout au contraire il pourra tout faire pour être désiré, voulu, jusqu’à se travestir, se transformer, se déguiser, jouer des rôles.
Il peut se sentir étranger dans la famille dans laquelle il se vit et/ou dans son environnement, sans lien véritable, mais un lien construit par la norme : je suis l’enfant de, donc je suis ton fils, ou je suis ta mère, ou ton frère, ou ta sœur. Mais il s’agira plus d’un contenant que d’un contenu, un lien par procuration qu’un lien profond, chaud et vrai.
Il se sent profondément inadéquat, insuffisant, inadapté, pas assez pour…. Derrière ce « pour » se vivent de multiples peurs, différentes pour chacun de nous… celles spécifiques à la blessure du rejet sont la peur du jugement, de ne pas y arriver, de ne pas être à la hauteur, des reproches, d’échouer, de se tromper, de l’échec, de ne pas faire assez, de ne pas faire ce qu’il faut, de ne pas honorer les contrats, les liens de loyauté et de ressentir cette morsure de la culpabilité, de la faute de ne pas avoir fait…derrière ces peurs-là, il y a plus en profondeur, celles d’être jugé, mis de côté, dévalorisé, accusé, exclu, banni, en exil, déporté…
Pour l’enfant cela veut dire de ne plus faire partie, d’être mis de coté, de ne plus être aimé, nourri, de se sentir seul, accablé dans une prison froide, sombre et sans espoir, avec un lancinant sentiment d’inadéquation , de culpabilité et de faute.
Cette prison raconte l’histoire de l’exil, d’avoir fait faux selon les normes de l’ensemble, de ne pas avoir été compris dans l’essence de qui nous étions, d’avoir été jugé par la limite du regard de l’autre ou de l’humanité, ignorance du cœur et sur connaissance du mental, d’avoir été finalement exclus du tout, du groupe et de l’ensemble, comme un résidu, et d’être chassé.
Derrière encore il y a la morsure, l’empreinte de la blessure : c’est un sentiment d’oppression, de vide et d’écrasement à la fois, comme d’être au bord d’un gouffre , d’un précipice, comme si on allait tomber, chuter, c’est le vide…se sentir rejeté, quelque soit la configuration vue plus haut, fait mal, très mal dans la poitrine, le ventre, l’être dans son ensemble, c’est une porte qui se referme, un poids qui nous écrase, comme une marionnette à qui on aurait coupé les fils et qui s’écrase. C’est un sentiment de froid ,d’exil et de néant dans l’âme et le cœur.
C’est l’ombre, le noir, la survie, la perte, la peur, le vide. C’est l’absence de la vie même, de la lumière, de la force, de la joie, de l’amour.
A l’instant même où ces ressentis apparaissent et pourraient être perçus, bien avant même, tout notre être s’organise pour ne pas aller ressentir cette empreinte : une force (l’ego, la personnalité) nous pousse à fuir ce qui est, à ne pas se confronter à ce manque de valeur, préambule de ce vide intérieur, de cette prison sans vie… L’enfant qui vit cette blessure est coupé de son corps, de son être, de ses émotions( ou de certaines) , de ses vrais besoins, de son essence. Il ne vit pas, il survit. Il fait, il fonctionne, il remplit des rôle, joue. Plus le manque de valeur est actif et plus il se compare. Il cherche la perfection. Il se vit dans le jugement, la peur de celui-ci et l’analyse permanente du mental.
…il s’épuise pour trouver cette valeur à l’extérieur de lui-même, en faisant pour les autres, en répondant à leurs attentes, en étant parfait, en correspondant à l’image que l’on attend de lui, en se suradaptant, en jouant un rôle , en créant des liens de loyautés, en prenant la responsabilité de la vie de l’autre…
….il s’épuise à faire ou ne pas faire, dire ou ne pas dire selon ce que l’environnement semble attendre, tout en gardant à l’intérieur de son cœur une morsure qui lui rappelle que ce n’est jamais assez, et selon il fera plus ou il fuira les situations.
Il est perfectionniste et n’est jamais satisfait, ou il évite de se confronter au regard de celui ou celle qui pourrait le ramener à son sentiment d’insuffisance. Il peut ressentir un sentiment de culpabilité à chaque fois qu’il tente de se vivre, d’honorer ses besoins tandis que les besoins d’un autre sont en opposition ou qu’il se croit obligé de les honorer en premier.
Cet enfant ne se sent ni en droit, ni légitime, il s’excuse et se justifie ou alors il prend trop de place, envahit et se vit dans le territoire de l’autre.
Cette blessure raconte finalement notre lien intime à la vie, avec notre vie, avec cette essence sacrée que nous portons et que nous considérons le plus souvent comme un élément extérieur, dans l’ignorance de sa valeur, comme une évidence, sans considération pour sa richesse, sa préciosité, son aspect sacré.
Tant que l’empreinte du rejet est active, nous nous vivons en parallèle de la vie, autour, contre, en lutte avec, en résistance , en survie . …Se vivre en dehors du flux de la vie même, c’est se vivre sans énergie, sans joie, sans légèreté, sans émerveillement et surtout sans foi.
Transformer cette empreinte veut dire d’abord aller rencontrer l’enfant qui s’est construit sur cette blessure, l’accueillir pleinement , lui qui s’est senti pendant si longtemps mis de côté. Transformer cette blessure demande d’aller choisir la Vie, la vouloir, la ressentir, la vibrer, la laisser couler et en honorant ce flux, se reconnecter à la vraie valeur, à la préciosité qu’elle porte « in se « , aller ressentir ce flux de donner et recevoir, pour s’offrir davantage et surtout se laisser recevoir le meilleur.
Transformer cette blessure demande également de reconnaître combien je me rejette, je m’exclus, je ne me fais pas de place, je me juge, je ne me donne pas de valeur…transformer cette blessure demande de reconnaître combien je l’entretiens en faisant autant avec les autres.
Guérir et transformer cette empreinte veut dire choisir pleinement de se vivre dans ce corps, dans cette incarnation, dans la matière et l’humanité en soi. Cela veut dire prendre la responsabilité de cette humanité, de cette part d’ombre, de cette partie qui se vit dans la peur, le jugement, la violence et le pouvoir plutôt que de la traquer et la juger chez les autres. Accueillir la part d’ombre, la partie la plus sombre et l’aimer, l’aimer et l’aimer encore jusqu’à ce qu’elle se transforme en lumière.
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