LA RELATION AVEC SA MÈRE : de la simplicité à la complexité
LA RELATION AVEC SA MÈRE : de la simplicité à la complexité
Passionnelles, fusionnelles, conflictuelles, complices… Entre une mère et sa fille, les relations sont toujours intenses et complexes. Or ce lien est primordial, car il colore tous les aspects du futur de la fille. Pour construire une relation épanouie, il faut « couper le cordon ombilical » : ce n’est pas la fin de l’amour mais le début d’une belle histoire pour de bon.
Dr Marie Lion-Julin, médecin psychiatre et psychanalyste, spécialiste des liens qui unissent mères et filles, auteur du livre « Mères, libérez vos filles » Ed. Odile Jacob. Interviewée par Catherine Maigne, en 2013, pour le journal MaxiMag, elle explique dans son livre que les relations mère-fille sont particulières…
Une mère a une approche et un comportement différent vis-à-vis de son fils et de sa fille. La similitude fait qu’une mère voit dans sa fille un être qui lui ressemble, un prolongement d’elle-même. Elle attend d’elle des choses précises comme on l’a exigé d’elle-même, qu’elle réussisse ce qu’elle n’a pas fait. Jusqu’à l’adolescence, la fille se construit par rapport à sa mère : elle est son modèle. Cette identification est indispensable pour se structurer. Puis à l’adolescence vient la phase de la séparation, une phase elle aussi indispensable, pour que la fille trouve son identité afin de savoir qui elle est. Je parle de séparation psychologique. Cela signifie qu’une fille doit pouvoir penser différemment de sa mère, avoir des avis contraires sans que sa mère en soit blessée, ou se sente désemparée et rejetée. Une fille doit pouvoir vivre sa vie quelque soit ce qu’en pense sa mère. Une mère n’est pas là pour comprendre sa fille, mais pour l’accompagner. Cette séparation est un processus structurant. Ce n’est pas la fin de l’amour, mais au contraire le début d’un amour adulte entre une fille et sa mère.
Et si une mère n’accepte pas que sa fille se sépare d’elle, la relation mère-fille se complique…
Oui, beaucoup de filles n’osent pas exprimer devant leur mère qu’elles ne sont pas d’accord avec elle. Elles dépendent de son regard et se conforment à ce que leur mère attend d’elles. Elles sacrifient leur identité par amour pour leur mère et se construisent une personnalité pour lui plaire. Le problème est qu’ainsi elles ne savent pas qui elles sont. Elles développent une mauvaise estime d’elles mêmes. Leur personnalité ne correspond pas à ce qu’elles sont vraiment au fond d’elles. Et ceci a des retentissements sur tous les aspects de la vie : leur vie amoureuse, leur sexualité, leur capacité à l’indépendance et leur façon d’être mère à leur tour.
Catherine Maigne: « Quels conseils donneriez-vous aux mères pour que la relation mère-fille soit satisfaisante ? »
Je leur dirais : accepter dès la naissance de votre fille qu’elle est un être différent de vous. Vous n’avez pas mis au monde votre clone ! Ne soyez pas en attente de gratitude, de reconnaissance ou d’amour. Votre priorité doit être de réfléchir à ce qui peut lui faire du bien et lui porter un amour valorisant : votre fille doit pouvoir lire dans votre regard de l’admiration.
Catherine Maigne : « Si la relation est douloureuse, comment la fille devenue adulte peut-elle se sortir de ce schéma ? »
La clé est d’oser affirmer ce que l’on est sans culpabilité. Pour prendre de la distance, la fille doit s’autoriser à avoir un regard critique sur sa mère. Elle n’est ni géniale, ni ignoble. Elle a ses bons et ses mauvais côtés. Ressentir de la colère peut être sain à condition de ne pas rester dans cet état. La fille doit apprendre à envisager sa mère comme une femme ayant eu une histoire et pas uniquement comme sa mère. Affronter la réalité de la relation est parfois difficile, mais c’est une démarche libératrice. On peut faire ce chemin seul, ou bien se faire accompagner dans une psychothérapie.
Catherine Maigne : « Quand mère et fille vieillissent, comment gérer la relation si l’on est dans l’obligation de s’occuper de sa mère ? »
La fille doit accepter que rien ne changera dans le comportement de sa mère. Rien ne s’arrange en vieillissant. Si sa mère était possessive, elle le restera. Si elle était dévalorisante ou ne savait pas aimer, ces attitudes ne s’arrangeront pas. Pour se libérer, la fille doit comprendre qu’elle n’est pas en cause, mais que sa mère du fait de son histoire personnelle ne peut pas avoir un comportement différent. Il est important d’en prendre conscience pour ne pas rentrer dans son mécanisme psychologique. Trop souvent une fille qui n’a pas reçu ce qu’elle attendait de sa mère espère toujours. Mais c’est chose vaine. On peut s’occuper de sa mère sans oublier de penser à soi, d’être soi-même.
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