Le sens caché de nos réponses
Le sens caché de nos réponses entre les OUI hésitants et les NON agressifs
Article écrit par Isabelle TAUBES / Journal Psychologie
Le oui n’est pas toujours aussi affirmatif qu’il semble l’être.
Quant au non, il n’est pas toujours l’indice d’un refus clairement exprimé ni le signe d’une personnalité affirmée. Quelques indices pour s’y retrouver.
Le non d’opposition
« Quand on dit oui, tu dis non. C’est une maladie chez toi », lance Camille à son mari qui semble avoir adopté pour devise : « En m’opposant, j’existe. »
Ce non est un reliquat de l’âge (entre 18 mois et 2 ans) où s’opposer, c’était « s’autonomiser ». Si ce comportement perdure à l’âge adulte, c’est que beaucoup d’entre nous restent en difficulté avec leurs désirs d’autonomie. Souvent, nos parents ont perçu ces envies de se détacher comme des caprices et y ont violemment réagi. Et, vingt ans plus tard, faute d’avoir trouvé une manière plus positive de s’affirmer, nous nous protégeons par des non à valeur d’armure.
Le non de principe
« Mais pourquoi dis-tu non à tout ? Tu n’as jamais envie de rien. Je ne sais plus quoi te dire », s’inquiète Emma. Le non de principe caractérise le déprimé qui n’a envie de rien, convaincu que, de toute façon, rien ne sert d’espérer, de s’activer, de faire des projets.
Par définition, pense-t-il, les choses ne peuvent que mal tourner pour lui. Alors, autant se préparer au pire, et ne rien décider, en attendant que le temps passe.
Le non anxieux
« Et si on dînait ensemble ce soir ? », propose Nadia à son nouvel ami. « Non, je ne sais pas encore », répond-il, mal à l’aise. Ce non, éminemment défensif est celui des anxieux, terrifiés à l’idée qu’un éventuel contretemps tombe du ciel. Souvent aussi, il traduit leur fantasme inconscient d’être indispensable :
« Si, au dernier moment, un empêchement survient, l’autre sera terriblement déçu. Alors je préfère me couvrir et dire non et si, finalement, c’est oui, eh bien, ce sera tant mieux. »
Le oui mais…
« J’adorerais pouvoir sortir, comme avant la naissance de Léa, mais comment faire ? », se plaint Jeanne.
« Tu n’as qu’à prendre une baby-sitter », lui suggère son amie.
« Oui, mais je ne peux pas laisser ma fille entre les mains d’une étrangère. Oui, mais, de toute façon, mon boulot m’interdit de planifier mes soirées. Oui, mais maintenant je n’ai plus assez d’énergie, je suis trop fatiguée. »
Le oui mais est la réponse favorite des individus souffrant d’un besoin inconscient de se rendre malheureux. Teinté d’agressivité, il traduit l’envie plus ou moins consciente de signifier à l’autre qu’il est impuissant à trouver une solution.
Il renvoie aussi à cette vérité pointée par la psychanalyse : nous pressentons que les bons Samaritains sont mus par un fantasme de maîtrise, par l’ambition de savoir mieux que nous ce qu’il nous faut. Position que le oui mais déboulonne efficacement.
Le oui opportuniste
« Tu es sûr que tu pourras faire ce travail d’ici trois jours ? » « Oui, naturellement, aucun problème ! », rassure Etienne. Ce oui part de l’idée suivante : « Peu importe que je tienne ma promesse, j’ai constaté que les gens qui disent oui sont mieux vus que ceux qui disent non : ils paraissent plus enthousiastes, plus positifs. Or, je veux être aimé et estimé. » Ce oui peut provenir d’une évaluation très optimiste des possibles, il témoigne toujours d’une forte estime de soi et d’une grande confiance – parfois à la limite de la mégalomanie – en ses capacités.
Le oui contraint
Claire, cet été, tu passeras les vacances avec nous chez tante Georgette, n’est-ce pas ? » « Bien sûr, maman », déclare l’intéressée qui, à 40 ans, n’a jamais osé contredire sa mère. « Claire, tu ne voudrais pas me prêter mille euros ? », lui demande son amant, qui ne règle jamais ses dettes.
« Oui, pas de problème mon amour », répond-elle, rêvant d’être enfin capable de résister à ses incessantes demandes d’argent. Inspiré par la peur de blesser, de paraître égoïste ou l’angoisse du désamour, le oui contraint témoigne de notre enfermement dans des scénarios nuisant à notre bien-être. Il nous est dicté par un surmoi (notre juge intérieur selon Freud) trop sévère, qui nous interdit d’agir selon notre véritable intérêt. C’est lui aussi qui nous empêche de dire oui sereinement et nous pousse à nous défendre par des non inadaptés.
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