52016Sep

Les enfants acteurs de leur développement

Les enfants acteurs de leur développement

Les parents ont tendance à croire qu’ils apprennent tout à leur enfant : marcher, parler, penser ou conquérir son autonomie. Et si tout cela n’était qu’une illusion ?

• L’instinct du langage

Dans les années 1990, le psychologue Steven Pinker avait heurté de front les idées courantes sur l’acquisition du langage en affirmant que ce ne sont pas les parents qui apprennent à leur enfant à parler ; celui-ci apprend tout seul en captant les mots de son environnement. Depuis, la plupart des psycholinguistes se sont ralliés à cette thèse : les parents ne font que transmettent une (ou plusieurs) langue(s), en parlant autour d’eux. Mais ce sont les enfants qui captent seuls, et à une vitesse foudroyante, la plupart des mots et la grammaire de leur langue d’origine

Un esprit avide 
de connaître


Les psychologues considèrent aujourd’hui que les capacités intellectuelles fondamentales – catégoriser, mémoriser, rêver, penser, raisonner, apprendre – ne viennent pas des parents. Les histoires racontées par les parents vont sans doute influencer les rêves de l’enfant, mais ne lui apprennent pas à rêver (1). Les parents lui transmettent telle ou telle croyance, mais ne lui apprennent pas à croire (ou à douter). Les parents transmettent des connaissances à leur enfant, mais ils ne lui apprennent pas à apprendre. L’esprit de l’enfant est avide de connaître. Spontanément curieux, attentif, explorateur, il est considéré comme un chercheur en herbe (2).

Quand survient, vers l’âge de 4 ans, l’âge du « pourquoi ? » et que l’enfant assaille ses parents de questions (« dis pourquoi tu fermes à clé ? Pourquoi il fait miaou le chat ? Pourquoi il est noir ? », etc.), il manifeste l’attitude du chercheur en quête de réponses. La découverte de la mort, de la maladie ou de l’injustice suscite en lui des troubles existentiels et des angoisses quasi métaphysiques. Voilà pourquoi on considère de plus en plus l’enfance comme un âge philosophique.

(1) Gérard Bléandonu, À quoi rêvent nos enfants ?, Odile Jacob, 2002.
(2) Alison Gopnik, Andrew N. Meltzoff et Patricia K. Kuhl, The Scientist in the Crib: What early learning tells us about the mind, Paperback, 2000.

Les émotions sociales fondamentales

En matière d’émotions non plus, il n’est pas sûr que les parents apprennent grand-chose aux enfants. On n’apprend pas à un enfant à rire, à se mettre en colère, à ressentir la joie ou la tristesse, l’anxiété ou l’enthousiasme. Un type d’éducation peut utiliser, à plus ou moins bon escient, la carotte ou le bâton, la menace ou la convoitise, mais il n’enseigne pas la peur ou le désir. Les méthodes d’éducation se greffent sur des émotions fondamentales – amour, haine, peur, envie, fierté, culpabilité, honte, quête de reconnaissance… – qui font partie du stock émotionnel de base de tout humain. Preuve que l’on n’apprend pas à aimer : même s’il est privé d’amour, un enfant peut tout de même aimer ses parents (3).

(3) Susan D. Calkins et Martha Ann Bell (dir.), Child Development at the Intersection of Emotion and Cognition, American Psychological Association, 2009.

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