162017Mai

Comment gérer la peur de la mort?

Comment gérer la peur de la mort ?

Article écrit par la journaliste, Caroline Franc Desages , publié le

Parfois l’angoisse de vivre nous empêche de vivre … Getty

Si certains parviennent à occulter la mort et s’accomodent de cette perspective inéluctable, d’autres souffrent d’une peur de mourir pathologique qui paradoxalement les empêche de vivre. Comment l’expliquer et comment gérer cette angoisse?

« Il n’y a pas un soir où je ne m’endorme avec la peur de ne pas me réveiller, confesse Adrien, 39 ans. Et pas un jour où je ne pense à la façon dont je vais disparaître. Je ne compte pas les crises de panique que je multiplie par période, ou les soirées passées prostré, convaincu que je vais bientot y passer. C’est épuisant, anxiogène et cela me fait perdre un temps considérable, du temps que je pourrais dépenser à profiter de la vie. Mais c’est plus fort que moi, la mort ou plutôt la pensée de ma mort m’accompagne au quotidien ». 

Inhérente et indisociable de la vie, la mort est l’inévitable destin de l’être humain. Si certains d’entre nous parviennent à intégrer cette fatalité sans qu’elle les empêche de jouir de leur existence, d’autres en revanche comme Adrien, souffrent d’une angoisse de mort parfois jusqu’à l’obsession? Comment l’expliquer et comment y remédier ? 

Penser à sa propre mort ne va de soi pour personne

Même pour ceux qui s’accommodent à l’idée de mourir un jour, il est difficile de penser à sa propre fin, souligne Franco De Masi, auteur de Penser sa propre mort, paru en 2010 aux éditions Ithaque. Selon Freud, relève-t-il, « nous sommes susceptibles de penser et de nous représenter la mort des autres, même s’il s’agit d’une expérience douloureuse et déconcertante. Nous pouvons craindre la mort d’un proche, l’anticiper et la pressentir avant même qu’elle n’ait lieu, et nous savons que nous aurons à affronter le vide qui s’ensuivra. Mais se préparer au vide qui se rapporte à nous-mêmes ne va pas de soi ». Dans ce cas, poursuit l’auteur, « le terme même de « vide » apparaît impropre, car nous ne pouvons pas l’opposer à un « plein ». Lorsque nous nous demandons comment nous entendons la mort, nous nous confrontons aux limites mêmes de notre pensée. » D’où le nombre important de personnes traversant à un moment ou à un autre de leur existence une phase d’anxiété à l’idée de mourir.

Une angoisse pathologique lorsqu’elle est paralysante

Une angoisse inévitable et inhérente à la mortalité de l’être humain, qui devient toutefois problématique « lorsqu’elle a un effet paralysant« , estime Lysiane Panighini, psychopraticienne narrative. « Lorsque cette peur coupe la personne de son élan vital. Lorsqu’elle envahit ses pensées au point de l’empêcher de vaquer à ses occupations quotidiennes ou bien de travailler normalement, qu’elle lui fait avoir des relations difficiles avec ceux qu’elle aime ou qu’elle lui fait transmettre son angoisse à son environnement proche ». Dans ces cas là, « la peur de mourir pourrait être associée à la peur de vivre« , suggère Lysiane Panighini: « partant du principe que l’on ne peut pas prendre la vie sans prendre la mort puisqu’elle en fait partie, avoir peur de la mort est donc associée à la peur de la vie ».  

Quand la culpabilité est à l’origine de l’angoisse de mort

Autre explication souvent évoquée en psychanalyse: des voeux inconscients de mort que l’on a pu faire lorsque l’on était enfant à l’encontre d’êtres proches et qui génèrent par la suite une culpabilité tenace. Laquelle se transforme en angoisse morbide, comme s’il était évident de devoir être puni(e). « J’ai longtemps pensé que ma peur était liée au décès de mon grand-père que j’adorais, survenu lorsque j’avais six ans », raconte Adrien. « Mais depuis que j’ai entamé une thérapie pour tenter de me libérer de ce poids, je découvre que les raisons sont probablement plus complexes, et se trouvent plutôt du côté d’un grand sentiment de culpabilité, que j’éprouve depuis toujours. Lorsque j’étais enfant, mon père a du s’absenter durant de longs mois pour son travail et j’en ai souffert. J’ai nourri à son égard un ressentiment que j’ai du mal à me pardonner ».  

« J’ai personnellement très mal vécu la naissance de ma petite soeur arrivée lorsque j’avais deux ans et demi. J’ai rêvé qu’elle disparaisse pour retrouver cette exclusivité que j’avais avec ma mère, confie pour sa part Anna, 37 ans, « hypocondriaque et terrorisée par l’idée de mourir ». « Ma psy pense que bon nombre de mes problèmes trouvent leur source dans cette période de ma vie que je ne me suis jamais pardonnée ». 

Se poser la question du sens que l’on veut donner à notre vie

D’une manière générale, chercher la cause et tenter de comprendre ce qui provoque cette anxiété peut certes aider et rassurer mais ne fait pas pour autant disparaître le symptôme, prévient Lysiane Panighini. « En tant que thérapeute, je propose plutôt de se poser les questions suivantes: Quel est le sens de ma vie? Quelle est ma place dans la vie? Quelles sont mes différentes identités? Quelles valeursme portent? Qu’est ce qui est important pour moi? Qu’est ce que je transmets, mais aussi qu’est ce qu’on m’a transmis que je transmettrai à mon tour? »  

L’objectif de cette réflexion menée lors des séances étant « la prise de conscience de ce à « quoi on sert » dans la vie, d’un point de vue existentiel. » Voire d’accepter l’idée que notre immortalité réside dans cette transmission, dans ce lien que l’on crée avec nos proches et notre entourage. 

Etre en accord avec soi-même et les autres pour appréhender sereinement la mort

Un travail qui peut aider à accepter la perspective de sa propre mort, a pu constater Lysiane Panighini lors de l’accompagnement de malades en fin de vie: « c’est souvent la sensation d’inachevé, ou l’impression de trahir ses proches en les quittant qui empêche de mourir en paix. Lorsque tout est remis en lien, lorsque tout est réunifié, que tout a été dit, alors la boucle peut se boucler ».  

Et d’une certaine manière aider ceux qui restent à aborder leur « finitude » plus sereinement : « J’ai toujours été terrifiée à l’idée de disparaître, se souvient Carole, 37 ans. Et puis j’ai accompagné mon père malade d’un cancer jusqu’à la fin. Je l’ai vu s’éteindre entouré de ses enfants et de ma mère, sans qu’il subsiste le moindre non-dit entre nous. Je ne pensais pas que cela soit possible mais je crois qu’il a rendu l’âme serein et apaisé. Depuis, je m’emploie à cela, à être du côté de la vie plutôt que de la mort et à faire en sorte de ne pas avoir de regrets le moment venu ». 

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