62016Oct

LES FACETIES DE L’INCONSCIENT

LES FACETIES DE L’INCONSCIENT

Le désir d’évoluer n’est pas inhérent au psychisme humain, bien loin de là ! Nulle part ailleurs que dans notre univers intime le principe « un tien vaut mieux que deux tu l’auras » ne règne plus en maître absolu y compris et contre toute logique apparente si ce « tien » ne nous convient pas, voire nous fait souffrir.

La peur de l’inconnu et la peur du changement, la fidélité à ce qu’on nous a inculqué, même contre notre gré sont les meilleurs gardiens de notre inertie.

Seul un malaise ou une souffrance suffisamment intenses peuvent pousser certains à se diriger vers une autre issue, et se poser la question « pourquoi ? ».

Là commence une aventure et si on a le courage de la suivre, la première découverte est la douloureuse constatation qu’on n’est pas maître chez soi et que les motivations de nos actes nous échappent la plupart du temps totalement. Comme si un vieux programme enregistré à notre insu depuis longtemps refusait de s’effacer de notre disque dur, pire en prenait le contrôle quelles que soient les tentatives qu’on fasse pour le supprimer et en installer un autre plus adapté.
Si vous pensez que ceci ne concerne que les « malades » ou les gens « perturbés » et que ces personnes n’ont vraiment pas de chance d’être ainsi victime d’une force obscure qui les dirige contre leur gré et leur cause tellement de problèmes, je vous incite à lire attentivement cet article qui probablement vous fera ressentir plus proche d’eux que vous ne le pensiez….

Car je ne vous invite pas à un voyage au cœur de la pathologie et des dysfonctionnements de la psyché. Je ne parle pas uniquement à ceux qui sont stressés, angoissés, dépressifs , etc…aujourd’hui c’est du fonctionnement de l’être humain dit « normal » que je vais parler. Pour montrer encore une fois que la frontière entre normalité et pathologie est bien fine à partir du moment où les fonctionnements sont identiques chez l’être équilibré et chez celui qui l’est moins et totalement régis par des forces qui pour être inconscientes n’en sont pas moins très actives.

Je vais vous inviter à vous pencher sur les « ratés », les loupés, les maladresses, les accidents malheureux qui semblent aller à contre sens de vos intentions, faire dresser les obstacles sur votre route contre votre gré, et dont seule une analyse approfondie peut démontrer qu’en fait ils sont l’émanation d’une volonté inconsciente qui semble parfois totalement opposée à ce que nous pensons être nos buts et nos désirs. Je veux parler bien entendu des « actes manqués » sous toutes leurs formes : oublis, méprises, lapsus, maladresses ou accidents, qui se mettent en travers de nos intentions conscientes pour révéler le désir refoulé qui se cache derrière, comme une irruption brutale de l’inconscient dans le cours de notre vie au travers d’un compromis qui se signerait entre deux tendances qui s’affrontent. Fatigue, défaut d’attention ou troubles de la mémoire qui sont souvent les causes évoquées pour expliquer ces « ratés » ne sont le plus souvent que des facteurs qui les favorisent mais sont insuffisants à les expliquer en totalité.
Nous verrons également de manière succincte comment l’inconscient s’infiltre aussi dans le cours de notre sommeil par le rêve et peut même se cacher derrière le rire que déclenche un trait d’humour.

1) Les actes manqués sous toutes leurs formes

Pour en comprendre le mécanisme il est essentiel de comprendre que toutes les manifestations psychiques : souvenirs, émotions, pensées… sont reliées entre elles pour former ce qu’on appelle une « chaîne associative ». Ainsi une idée apparemment isolée renvoie à de multiples éléments qui lui sont reliés. C’est la fameuse « madeleine » de Proust où une simple odeur ramène du fond de la mémoire des souvenirs depuis longtemps oubliés.

Là où les choses se compliquent c’est quand encore une fois l’inconscient s’en mêle pour empêcher le libre déroulement de ces associations, interdire l’accès de certains éléments à la conscience, créer de fausses connexions, voire cliver certains éléments qui de se fait ne peuvent plus s’intégrer à la chaîne associative à laquelle ils appartiennent et restent isolés du tout auquel ils ne peuvent plus s’intégrer.
Ces éléments qui se voient ainsi interdire l’accès à la conscience n’auront alors de cesse de vouloir récupérer cet accès barré, ce qu’ils vont faire régulièrement sous forme déguisée. Les formes pathologiques en sont l’angoisse, le symptôme, la somatisation….Mais ce sont aussi parfois quelques petits évènements de la vie quotidienne qui se chargent de transmettre ces messages codés . Apparemment dues au hasard, à la fatigue ou à l’inattention, ces irruptions de l’inconscient se font le plus souvent sous forme d’erreurs dans le déroulement de notre parole ou de nos actes et nous renseignent en fait largement sur ce qui en nous cherche à se cacher.

Je vous propose d’en examiner les formes les plus connues :

– Les lapsus :

C’est la « langue qui fourche », le jeu sur la sonorité des mots, le remplacement d’une syllabe ou d’un mot entier, voire le remplacement d’un mot par son contraire, d’un nom par un autre, rendant le discours erroné, absurde, ou encore lui donnant un sens différent de celui qu’il aurait du avoir.
Comme les oublis de noms, les lapsus sont contagieux au plus haut point.
On les reconnaît également à ce qu’ils produisent une réaction émotionnelle comme si on se rendait compte intuitivement que cette erreur a un sens et que l’on vient de révéler involontairement quelque chose qui aurait du rester caché.
Les troubles de la parole ainsi que tout ce qui vient interrompre la fluidité du discours peuvent également s’interpréter comme des lapsus .
La fatigue et la distraction favorisent les lapsus en cela qu’elles permettent une baisse de l’inhibition de la libre circulation des associations , mais elles ne provoquent pas le lapsus, elles ne le créent pas.

Il va de soi que lorsque la volonté ou le désir inconscient est fort, on peut cumuler les lapsus ou combiner entre eux lapsus, erreurs et actes manqués allant dans le même sens (l’intention inconsciente).
Ainsi peut-on successivement se tromper d’heure, se mettre en retard, perdre ses clefs et oublier son parapluie le tout en un temps record si le rendez vous auquel on doit se rendre pose problème.

Un exemple de lapsus « insistant » m’a été fournie par un patient qui me parlait ce jour là de l’absence momentanée d’une personne de son entourage à qui il est lié par une très forte dépendance affective, dépendance que par ailleurs il refuse d’admettre.
Alors que le discours conscient se félicitait de ce départ qui allait lui donner l’occasion de faire un certain nombre de choses qu’il n’aurait pu faire sans cela, deux « erreurs » dans le discours ont traduit le manque sous-jacent et le désir de voir cette absence s’écourter.
Il a commencé par m’annoncer que cette séparation durerait une semaine, et m’en préciser les dates : du 15 au 30 du mois ! Comme je lui faisait remarquer que sa semaine durait en fait 15 jours, il parut d’abord très surpris, vérifia les dates, puis reconnut son erreur l’expliquant immédiatement par le fait que c’était la première fois qu’elle partait aussi longtemps (faux) et qu’elle avait pour habitude d’écourter ses séjours (faux également).
Je n’ai pas jugé utile d’insister .Au bout d’une semaine j’eus la confirmation de mon impression quand, me parlant à nouveau de cette absence, j’eus l’occasion de constater qu’il employait l’imparfait et le passé composé, deux temps passés, comme si effectivement cette absence était terminée, que le retour de la personne était imminent, voire avait déjà eu lieu, alors qu’on était à peine à mi-parcours, donc que cette absence n’avait duré comme il le souhaitait inconsciemment qu’une semaine. Bien d’autres faits qui sortiraient du cadre de cet article sont par la suite venus confirmer cette interprétation.

Erreurs de lecture, d’écriture

Elles sont très proches du lapsus et sont dues aux mêmes causes et donc peuvent être soumises aux mêmes interprétations.
Un cas classique de l’erreur qui peut se manifester entre autre dans l’écriture est très proche de l’exemple ci-dessus: se tromper de date peut révéler un désir d’anticiper ou de retarder un événement selon qu’on le désire ou qu’on le redoute.

– L’oubli

L’oubli peut se comparer au « tri sélectif ».C’est comme si parmi toutes les impressions qui se présentent, il y avait tentative d’éliminer celles pouvant présenter un caractère désagréable et par effet « boule de neige » toutes celles qui lui sont reliées selon la fameuse chaîne associative . Ainsi, voulant éviter de penser à une personne ou un événement « gênant » peut-on être amené à « oublier » le nom de la rue ou de la ville où il habite, le prénom d’une personne qui n’a rien à voir mais porte le même que la personne en question, etc….
Ces oublis peuvent parfois être remplacés par de faux souvenirs.
Un oubli (de se rendre à un rendez-vous par exemple )est révélateur d’une contre volonté qui s’oppose au projet (une forme atténuée serait le retard : arriver en retard, tarder à faire quelque chose…).
Dans « psychopathologie de la vie quotidienne », Freud cite son propre cas et sa propension à oublier les évènements tels qu’anniversaires, promotions, fêtes et occasions de même type ou des félicitations et marques d’attention le plus souvent purement conventionnelles sont de rigueur. Il l’explique par sa déception d’avoir du constater à maintes reprises que les marques de sympathie qu’il recevait et prenait pour sincères n’étaient en fait que manifestations hypocrites. Ainsi est-il devenu hostile à toutes ces conventions et obligations sociales dont le caractère « obligatoire » n’a que très peu à voir avec la spontanéité qu’on serait en droit d’attendre.
Certaines personnes qui oublient systématiquement leurs engagements, leurs promesses, ou encore d’accomplir les services qu’on leur demande manifestent de cette manière leur mépris et leur manque d’intérêt inconscient pour l’autre, même si l’excuse invoquée est une mémoire défaillante. De même que les personnes que l’on qualifie de « distraits » sont souvent des personnes qui accumulent les actes manqués.
L’oubli de payer ou de rendre un objet est traditionnellement la marque d’un désir inconscient de garder, de posséder.

Légèrement différentes des oublis avec ou non création de aux souvenirs sont les erreurs de mémoire. Elles sont dues à un conflit entre manque de sincérité et penchant à révéler la vérité. Ainsi quelqu’un qui tente de déformer un fait doit lutter contre l’influence perturbatrice que constitue à l’arrière plan dans son psychisme la connaissance du fait exact ainsi que son désir de dire la vérité. Ceci conduit régulièrement à commettre l’erreur de langage, la contradiction ou un quelconque autre acte manqué qui révèlera à un œil avisé la chose même que l’on tente de cacher.

-Méprises, erreurs, maladresses et accidents

On peut distinguer 2 cas :

– soit l’effet produit par l’acte manqué constitue l’élément essentiel en cela qu’il révèle la non-conformité à l’intention de départ et par là même révèle l’intention cachée qui se trouve à l’arrière plan.

– soit l’action semble totalement absurde, accidentelle.

Ainsi peut-on souvent interpréter le fait de casser ou de perdre un objet par le fait qu’on cherche à s’en débarrasser, qu’on désire le changer ou encore par hostilité envers la personne ayant offert cet objet ou encore le fait qu’on ne veut rien devoir à cette personne. Ceci se confirme par le calme et l’impassibilité dans lesquels on accepte la perte ou le dommage subi. Je vous laisse juge de ce que peut signifier dans la vie de couple la perte d’une alliance ou d’une bague de fiançailles…

Tomber, faire un faux pas, glisser et autres troubles de l’équilibre sont également à analyser de près avant de parler de pur accident. Très souvent les circonstances entourant le dit accident en disent long sur les motivations inconscientes de celui-ci surtout s’il a été précédé d’une sorte de « pressentiment » conduisant à éviter les situations dans lesquelles un tel accident serait susceptible de se produire.
Bien sûr ce type d’interprétation s’applique également aux actes « maladroits » susceptibles de mettre en danger ou blesser les autres.

Autre exemple de la vie de tous les jours : l’oubli d’un. objet manifeste souvent un départ à regrets et le souhait de revenir, et qui d’entre nous n’a jamais oublié de remonter son réveil ?

Fredonner une chanson en dit souvent long sur les préoccupations qui nous occupent et de manière générale, les images et manières de parler qu’on adopte en disent long sur les sujets qui bien que non exprimés nous influencent fortement.

Freud cite dans le même ordre d’idées la trouvaille d’objets semblant une chance quasi-miraculeuse : une somme d’argent quand on en a justement besoin ou autres cas semblant relever du hasard, s’expliquant par une tendance à chercher (ce dont on a besoin) inconsciente beaucoup plus efficace dans le résultat qu’une recherche consciente.

Il est intéressant de voir les quiproquos et différents qui peuvent naître de tels actes : alors qu’en toute sincérité celui qui accomplit l’acte n’a aucune conscience du sens caché de celui ci, celui qui en est victime, tend intuitivement à en saisir la signification. Mais s’il en parle à l’auteur de l’acte, il se heurtera à un démenti formel doublé d’une indéniable contrariété, qui ressemble fort au sentiment de se sentir démasqué. Ainsi, tous ces actes manqués parlent en lieu et place des hommes de leurs sentiments cachés. Et la notion de hasard se voit souvent ainsi démentie quand on arrive à comprendre les motifs et raisons qui échappent à la conscience mais perturbent notre langage et nos actions pour les détourner de leur but conscient et satisfaire la volonté qui réside à l’arrière plan.

2) L’humour

Encore une forme de communication qui permet de satisfaire nos tendances inconscientes. Nous laisserons de côté le rire déclenché par un comique de situation accidentel pour nous concentrer sur l’humour volontaire.

Les cibles les plus communes :

En tête du hit-parade et encore imbattable pour longtemps : le sexe.
Suivi de près par le racisme sous toutes ses formes (anti-arabe, anti-juif, anti-blondes, anti-vieux, etc, etc….), le gore (violence, saleté, mort…), les caricatures…
Autant de thèmes où il semblerait bien que les sujets ordinairement « tabous » s’expriment là, mais sous une forme indirecte et que l’humour permette de dire de manière détournée ce qu’on ne se permettrait pas de dire plus sérieusement. Ainsi est rendue possible la satisfaction d’une pulsion (sexuelle ou agressive) et par là même l’obtention d’un gain de plaisir.

Là où l’humour à caractère sexuel tend à transmettre et partager une excitation ou de la gêne (résistance à l’excitation),l’humour qui vise une cible qu’il attaque, donc à tendance agressive cherche à rendre celui qui en est victime méprisable ou ridicule, bref à le diminuer. Encore une fois l’obstacle est contourné, et encore une fois l’auditeur qui par son rire transmet l’adhésion à l’idée émise est invité à participer. Ainsi peut-on se permettre l’agression et la critique qu’on n’oserait exprimer plus sérieusement.

Les obstacles contournés sont soit extérieurs (respect, autorité) comme par exemple dans la caricature , soit intérieurs (refoulement ou inhibition, tabous).

Il est bon de se laisser aller au sommeil, de se sentir doucement se détendre et s’engourdir pour entrer dans un autre monde où surgissent images apparemment incohérentes, absurdes, mais tellement agréables…à moins que le rêve ne tourne au cauchemar et qu’on se réveille cœur battant, souffle court, heureux de se retrouver dans le monde réel où nos monstres intérieurs perdent leur pouvoir.

Le sommeil est une nécessité biologique auquel nul n’échappe. Lorsque le besoin s’en fait sentir, des signes manifestes comme une fatigue oculaire, un engourdissement des sens et des gestes se manifeste, incitant à ce repos nécessaire. Lorsqu’on s’endort, tout se met en veille, y compris la fonction « censure » de l’inconscient. Endormie ? non, elle s’est juste assoupie , disons elle ne dort que d’un œil. Mais cet assoupissement même imparfait, même momentané crée les conditions qui permettent aux contenus interdits d’essayer de passer ce barrage affaibli. Et ils ne s’en privent pas…Encore faut-il savoir que le douanier ne dort qu’à moitié et que si on ne veut pas réveiller brutalement sa vigilance, mieux vaut passer inaperçu, en clair, se déguiser…
Ainsi la baisse de censure due au sommeil permet également le passage de contenus interdits à conditions qu’ils se déguisent.
Comment se produit le rêve ?
Certaines « perturbations, excitations, préoccupations » de la journée ne sont pas totalement éliminées et en cela risquent d’être un obstacle au sommeil .Ce sont ce qu’on appelle « restes diurnes ».Leur transformation en rêve va permettre de protéger le sommeil.

Mais cette énergie résiduelle ne pourra se transformer en rêve que si elle accepte de véhiculer avec elle autre chose : un désir inconscient refoulé par exemple.
Le désir s’emparera alors de l’énergie pour s’exprimer, tout en gardant les traces de cette énergie : ce sont les traces des évènements de la journée dont le rêve s’inspire.
Ainsi le besoin de dormir en proie à l’opposition au sommeil que forme l’excitation résiduelle de la journée, plus la baisse de censure qui accompagne le sommeil et la poussée d’ énergie du désir inconscient qui cherche à tout prix à se manifester constitueront au travers de mécanismes bien précis dont j’espère avoir à vous reparler un jour, le rêve d’apparence absurde mais essentiel pour l’équilibre psychique dans la mesure où comme l’humour il constitue un moyen efficace de franchir la censure pour exprimer par voie déguisée ce qui se passe vraiment au fond de l’être.

Ainsi possédons-nous là au quotidien des « outils » qui nous permettent de mieux connaître notre monde intérieur et nos vraies motivations. Toutefois, découvrir certaines choses peut s’avérer choquant quand elles sont en contradiction avec ce que nous estimons être notre devoir ou notre morale. Ainsi observe-t-on un mouvement de défense qui se traduit par un sentiment désagréable qui nous pousse à nier cette approche ainsi que la tendance immédiate à vouloir rationaliser cet acte ou cet accident pour le « recadrer » dans notre démarche consciente. Mais si nous acceptons cette gêne et si nous savons aller au-delà pour écouter la vérité, ce peut être un chemin de découverte de soi passionnant. Sachant que ces forces doivent essentiellement leur pouvoir au fait qu’elle nous manipulent à notre insu et qu’on est toujours plus libre de ce qu’on connaît, ça peut être aussi le premier pas vers plus de liberté.

C’est tout ce que je vous souhaite pour l’année à venir .

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *