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Les troubles psychiques au cours de la grossesse : anxiété et inquiétudes face aux changements

Les troubles psychiques au cours de la grossesse : anxiété et inquiétudes face aux changements

Ce dossier a été réalisé par Laure Deflandre, psychologue – Parution Passeport Santé.net

La grossesse est un moment très particulier dans la vie d’une femme : c’est à la fois un moment de transformations physiologiques et de transformations psychologiques.

« Devenir mère représente un total bouleversement corporel, émotionnel et psychique1 ».
Les « remaniements psychiques2 » correspondent à la globalité de l’histoire de la femme, à tout ce dont elle est « porteuse » d’un point de vue intime et personnel et qui vient être fragilisé par ce corps en changement qui annonce l’arrivée d’un bébé, qu’il ait été désiré, non désiré, attendu ou inattendu.

 

Au cours de la grossesse, ces remaniements psychiques s’observent par la mise en place de trois trimestres de développement psychiques, qui correspondent aux transformations physiques du corps

Les étapes psychiques de la grossesse

  • Au 1er trimestre

Durant les premiers mois de grossesse, la femme vit un état « d’être enceinte » : les modifications corporelles sont minimes et elle n’a pas de représentations de l’enfant. Néanmoins, les 3 premiers mois sont très riches en émotions. La future maman passe par la joie d’être enceinte, les appréhensions face à cette nouvelle aventure voire la peur d’une éventuelle fausse couche.

A cette période, on peut observer quelques manifestations dues à des facteurs hormonaux et émotionnels liés à ce début de grossesse :
– une aménorrhée ;
– une tension des seins ;
– des nausées ;
– des vomissements ;
– une fatigue inhabituelle ;
– un sommeil perturbé ;
– une irritabilité anormale ;
– des nausées matinales ;
– des troubles de l’appétit, etc.

En fonction du vécu de chaque femme et de la façon dont elles abordent leur grossesse, ces symptômes peuvent varier dans leur expression et leur intensité.

Ce 1er trimestre est en fait une phase d’adaptation de la femme à la grossesse et au futur enfant. Il est souvent source d’angoisses ainsi que de pertes de repères identitaires et corporels. La future maman peut aussi être prise par divers doutes tels que : « Est-ce le bon moment ? » ou « Suis-je vraiment prête ? ». Au bout de quelques mois, chez une femme qui va assez bien, ces symptômes disparaissent.

  • Au 2ème trimestre 

Au 2nd trimestre, les modifications corporelles sont plus visibles et les symptômes physiques du 1er trimestre disparaissent. Le corps s’est adapté à la grossesse et la femme enceinte ressent en général un bien-être physique. Cette 2ème partie de la grossesse est souvent une période de sérénité relative pour la future mère qui a bien accepté la présence de ce bébé dans son ventre et qui commence également à se mettre d’accord avec le père sur l’organisation à suivre lors de l’arrivée du bébé à la maison.

On voit naître « l’attente d’un enfant » qui se caractérise par les projections imaginaires de la mère et du père, accentuées par la perception des mouvements vus sur les échographies. Le bébé désiré par les futurs parents est pensé, imaginé et projeté vers l’avenir. Les parents pensent alors au sexe du bébé, à son prénom ou à une éventuelle ressemblance avec l’un d’eux. Ces représentations permettent une véritable anticipation de l’enfant. Elles favoriseront une « rencontre fructueuse avec l’enfant au moment de la naissance et offriront les conditions de la mise en place d’une bonne interaction »

  • Au 3ème trimestre 

Au cours du 3ème trimestre les représentations de séparation apparaissent : la maman identifie des rythmes différents entre elle et son bébé. Des phrases telles que « je veux me reposer mais il n’arrête pas de bouger dans tous les sens » sont souvent exprimées de la part des futures mamans. Peu à peu, au cours de la grossesse, la mère évolue vers un état spécifique que le psychanalyste anglais, Winnicott, a nommé « la préoccupation maternel primaire »5. C’est un état psychique qui s’accentue vers la fin de la grossesse et les premiers mois de la vie du bébé et qui préparerait la future mère à s’occuper de son bébé

Plus fréquents lors du 1er et du 3ème trimestre, les troubles anxieux touchent entre 5 et 15% des femmes durant la période prénatale. L’anxiété spécifique de la grossesse se définit par des inquiétudes et des préoccupations qui se rapportent directement à la grossesse. Elle a pour thèmes l’angoisse de la  malformation ou de la mort du fœtus, le déroulement de l’accouchement ou les conduites de maternage autour du bébé. Cette anxiété peut entraîner chez la future maman une certaine irritabilité, un trouble alimentaire ou encore, des troubles du sommeil.

  • Tous les troubles anxieux peuvent être présents pendant la grossesse : 
  •  Trouble de panique avec ou sans agoraphobie,
  • Trouble obessionnel compulsif 
  • Trouble d’anxiété généralisée 
  • Etat de stress aigu
  •  Phobie spécifique, etc. 
la femme enceinte peut présenter un niveau élevé d’anxiété sans développer un trouble anxieux. Il est nécessaire qu’elle apprenne à gérer les symptômes de son état anxieux pendant la grossesse car ils peuvent, d’une part,  augmenter les risques d’accouchement prématuré, d’avoir un bébé d’un poids très faible, des malformations congénitales ou encore, plus tard, des problèmes émotionnels et comportementaux chez l’enfant. D’autre part, car ces symptômes risquent de s’aggraver après l’accouchement et s’associer à des symptômes dépressifs tels qu’une fatigue constante, un manque d’intérêt pour elle-même ou envers le nouveau-né, une préoccupation excessive au sujet du nouveau-né, des sautes d’humeur, etc… Une femme enceinte ayant un trouble anxieux est également plus vulnérable aux problèmes de santé mentale pendant et après la grossesse.

Des problèmes de santé mentale peuvent se développer chez la femme enceinte.

La dépression prénatale

Au fur et à mesure que la grossesse avance, la femme enceinte peut avoir des difficultés à se familiariser avec le bébé qu’elle porte, ce qui l’empêche de réaliser ce qui lui arrive.  Au cours des mois suivants, elle peut se sentir davantage déprimée jusqu’à se retrouver, soit dans un état de dépression appelé « dépression sèche », c’est-à-dire sans aucunes émotions apparentes, soit dans une « dépression plus anxieuse » avec des angoisses plus importantes. La future mère se retrouve ainsi dans un état psychique où l’arrivée de l’accouchement est vécue comme une « catastrophe à venir » plutôt qu’un heureux événement.

Le déni de grossesse

Le déni de grossesse concerne environ 3 femmes enceintes sur 1000. C’est un mécanisme de défense inconscient où la future mère met progressivement de plus en plus de « forces psychiques » pour s’opposer à la réalité de la survenue de ce bébé. Consciemment, tout se passe comme-ci elle n’attendait pas d’enfant. Elle explique les troubles qu’elle a et qui sont liés à la grossesse, par des troubles gastriques ou gynécologiques. Il n’est en aucun cas possible pour elle d’imaginer qu’elle est enceinte. Le déni de grossesse peut malheureusement donner lieu à des réalités morbides, tels que des  actes d’infanticides à l’issue de la grossesse. 

La dénégation de grossesse 

A mi-chemin entre le déni et la conscience d’être enceinte, il existe ce qu’on appelle la « dénégation » c’est-à-dire qu’il existe des moments où la maman réalise qu’elle est vraiment enceinte et d’autres moments où elle agit comme-ci elle n’était pas enceinte et continue à faire des projets comme si son bébé à venir n’était pas attendu. Ce comportement met en exergue des mécanismes de rejet de cet enfant. Quand la femme enceinte manifeste ce genre de troubles, il faut véritablement l’aider de façon très active pour éviter de subir des conséquences graves lors de la venue de l’enfant. Il est important de diriger ces femmes vers des  professionnels qui s’occupent de la périnatalité et qui pourront les aider à prendre conscience doucement de la réalité de leur grossesse.

En tant que professionnel de la santé, il faut rester vigilent quand on ne retrouve pas ces 3 trimestres psychiques à travers les entretiens avec la mère. Il existe deux cas de figures pour lesquels il y a une véritable surveillance à suivre :

1. La trop grande précocité dans la représentation de l’enfant.

La future mère, au bout de quinze jours ou trois semaines de grossesse, parle déjà de l’enfant comme « différent » c’est-à-dire, qu’elle différencie psychologiquement le bébé d’elle-même trop tôt, alors que la séparation psychique arrive normalement lors du 3ème trimestre. La « précocité psychique » doit alerter selon le projet que met cette future maman concernant sa grossesse et son bébé à naître.

2. Le retard dans la représentation de l’enfant

La future-mère arrive à six ou sept mois de grossesse et parle toujours de son ventre et de sa grossesse, mais sans jamais évoquer le bébé en tant que tel. Elle ne va jamais dire de lui qu’il « a bougé », mais plutôt avoir un langage évasif tel que « j’ai mal au ventre » ou encore « je me sens lourde aujourd’hui ». Dans ce deuxième cas de figure, ces futures mamans n’ont pas du tout de représentation de l’enfant.  Elles ne le nomment pas, elles ne le projettent pas et ne l’imaginent pas, ce qui doit également faire l’objet d’une surveillance.

Tout au long de la grossesse, au moment de l’accouchement et à la naissance du bébé, la femme enceinte est prise en charge par divers professionnels :

Le médecin généraliste

De nos jours, la majorité des grossesses non compliquées est surveillée par le médecin traitant de la patiente jusqu’au  6ème ou 7ème mois. Son rôle est de définir, le plus précocement possible, si la grossesse est considérée comme normale (dans 80 à 90% des cas) ou non. Seules les grossesses ayant un risque particulier de part les antécédents de la patiente ou la survenue d’un élément inquiétant sont suivies par un obstétricien. Il possède l’ensemble des informations médicales concernant la femme enceinte et joue ainsi le rôle de coordinateur auprès des différents professionnels susceptibles d’intervenir au cours de la grossesse. Après l’accouchement, il prend souvent en charge le suivi régulier de la maman et celui du bébé.

 La sage femme

La sage femme est la personne qui :
– effectue la prise en charge des grossesses (examens cliniques, échographies, dépistage des facteurs de risque, etc…) ;
– pratique les accouchements normaux ;
– surveille, sur prescription médicale, les grossesses pathologiques ;
– accompagne psychologiquement la future mère et fait les séances de préparation à l’accouchement ;
– dispense les soins au nouveau-né et effectue le premier examen postnatal ;
– dans les jours qui suivent la naissance, surveille la santé de la mère et la conseille sur l’hygiène et l’alimentation du bébé.
 

Le gynécologue-obstétricien

C’est  généralement autour du 7ème mois de grossesse qu’à lieu la consultation avec le gynécologue-obstétricien. Il peut aussi bien suivre les femmes enceintes qui ne présentent aucun problème que les grossesses ou les accouchements à risque. Il pratique les césariennes et intervient en cas d’infertilité et de procréation médicalement assistée. Durant les entretiens, il demandera à la femme enceinte de parler de son mode de vie, de son alimentation, de son travail, de ses activités et de ses petites habitudes… Ces indications auront leur importance dans le suivi de grossesse.

Le médecin anesthésiste

La consultation d’anesthésie est obligatoire dans lors du 8ème mois, même si la femme ne souhaite pas avoir de péridurale. Au cours de cette consultation, le médecin anesthésiste procède à un interrogatoire sur les antécédents chirurgicaux et médicaux, examine la femme et prescrira éventuellement des examens complémentaires de façon à bien connaître son état de santé et pour réaliser l’anesthésie en toute sécurité.

Les autres intervenants

Lorsque la future mère a une maladie chronique ou si une pathologie se déclare pendant la grossesse, différents médecins spécialistes peuvent participer à son suivi comme un cardiologue, un diabétologue, un pneumologue, etc… Si elle éprouve des difficultés pour choisir une alimentation adaptée ou maîtriser sa prise de poids, les conseils d’un nutritionniste ou d’un diététicien peuvent être utiles. La grossesse peut être aussi source d’hyperémotivité ou d’anxiété, notamment chez les plus fragiles. L’accès à la maternité n’est pas simple pour tout le monde, il faut être capable de supporter les multiples métamorphoses et les « révolutions intérieures » que la grossesse impose. Ainsi, la femme peut avoir recours à un professionnel afin de soulager ses angoisses. Dans ce cadre, des entretiens avec un psychologue, en liaison avec l’équipe médicale, sont parfois nécessaires pour mieux vivre la grossesse et préparer l’arrivée du bébé

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