282018Juin

viol et amnésie traumatique

VIOL ET AMNESIE TRAUMATIQUE

Cet article s’appuie principalement sur les travaux et écrits du Docteur Muriel SALMONA, psychiatre française, fondatrice en 2009 et présidente de l’association Mémoire traumatique et victimologie.

Cet organisme d’information et de formation pour les intervenants prenant en charge les victimes de violences, en particulier de violences sexuelles, mais aussi de violences conjugales, de violences faites aux enfants, et de violences liées au terrorisme

  • La mémoire traumatique correspond à une disjonction du cerveau

Comme l’explique le docteur Muriel SALMONA, l’amnésie traumatique décrit une période pendant laquelle une personne n’a pas conscience des violences qu’elle a subies. Le souvenir, enfoui dans le cerveau, est inaccessible à cause d’une dissociation traumatique qui s’opère au moment du traumatisme.

A ce moment-là, « pour se protéger de la terreur et du stress extrême générés par les violences, le cerveau disjoncte et déconnecte avec les circuits émotionnels et ceux de la mémoire », explique Muriel Salmona.

Le phénomène peut durer plusieurs mois, voire plusieurs années. 

« C’est comme regarder un paysage montagneux dans un épais brouillard, on devine que quelque chose se cache derrière mais on ne sait pas quoi exactement », décrypte la psychiatre. C’est pourquoi, bien souvent, on constate chez les personnes atteintes d’amnésie traumatique une « sensation de vide », une « souffrance » :

« Elles ont l’impression d’avoir subi quelque chose sans savoir quoi. Elles n’ont pas véritablement oublié leur traumatisme mais émotionnellement, elles n’y ont pas accès à cause de la dissociation. »

La remontée brutale des souvenirs a généralement lieu quand la victime n’est plus exposée à son agresseur ou quand elle vit un changement radical, comme la perte d’un proche, une rencontre, une émigration ou un bouleversement émotionnel du type grossesse ou maladie.

Parfois, l’amnésie peut se révéler partielle. La présidente de l’association évoque le cas de cette jeune patiente « qui se souvenait d’avoir subi des attouchements sexuels de la part du fils de la meilleure amie de sa mère qui l’a gardé entre ses 6 et 9 ans », mais pas du viol. « C’est en écoutant à l’âge de 24 ans une chanson qu’elle avait entendue avant le premier viol que celui-ci et tous les autres lui sont revenus en mémoire. »

  • Les enfants sont les premières victimes

Découverte au début du XXe siècle, l’amnésie traumatique a d’abord été décrite chez des soldats traumatisés qui ne se souvenaient plus des combats.

Mais c’est chez les victimes de violences sexuelles dans l’enfance que l’on retrouve le plus d’amnésies traumatiques, « leur cerveau étant beaucoup plus vulnérable aux violences et au stress extrême ainsi qu’aux traumatismes qu’elles entraînent », précise Muriel SALMONA.

Le phénomène peut également toucher des personnes ayant subi dans l’enfance un traumatisme comme la mort d’un proche, ou encore des victimes d’attentat, comme le décrit la psychiatre :

« J’ai une patiente qui est restée au Bataclan jusqu’à l’assaut final. Elle se trouvait dans la fosse quand elle a reçu plusieurs balles. Elle a complètement oublié qu’elle s’était occupée d’une victime en lui parlant sans arrêt. C’est la personne qui le lui a rappelé quand elles se sont rencontrées. »

 

Bibliographie

SALMONA M. « La mémoire traumatique, In Kédia M, Sabouraraud-Seguin A – L’aide-mémoire en psychotraumatologie  » – Paris – DUNOD 2008

SALMONA M. « Le livre noir des violences sexuelles » Paris, DUNOD, 2013

SALMONA M. « Mémoire traumatique et conduites dissociantes » in Coutanceau R, Smith J., Traumas et résilience, Paris DUNOD 2012


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