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Qu’appelle-t-on le climat incestuel ?

U’APPELLE-T-ON LE CLIMAT INCESTUEL ?

En référence à l’auteur : Paul-Claude Racamier, l’inceste et l’incestuel (1995 ) Paris , Dunod, 2011

Il s’agit là de comportements, attitudes qui sous entendent l’inceste sans acte sexuel.

La famille incestuelle.

Ce sont des familles qui ne laissent rien paraitre, elles sont aux yeux du “monde” des familles qui peuvent même apparaitre comme unies par l’amour. En réalité nous sommes dans un fonctionnement de confusion, de fusion où tout est mélangé

Aucune place pour la reconnaissance, l’’identité. On peut parler d’emprise sur la psyché…. 

Ce sont des familles où la vie quotidienne est très “érotisée” :

  • enfants dormant avec les adultes,
  • enfants à un âge avancé prenant leur bain avec les adultes,
  • nudité exposée,
  • enfant non protégé de la vie sexuelle des parents ou de confidences…
  • Aucune frontière, aucune limite ou de respect de l’intimité individuelle.

Ce ne sont pas là des comportements pervers, mais une position parentale qui considère cela comme normal en famille. Une famille qui ne reconnait pas l’individu, des adultes qui considèrent l’enfant comme un prolongement de soi. On peut alors évoquer une sexualisation de la relation.Résultat de recherche d'images pour "image inceste"

Ce fonctionnement prend corps après la naissance et le passage fusionnel de la relation mère-nourrisson, ce temps particulier doit disparaître pour que l’enfant puisse se construire, s’individualiser, poursuivre son développement psychique. Ce conflit interne chez l’enfant entre la perte de ce temps et la découverte de l’environnement en tant qu’individu est naturel et nécessaire, mais il est dépendant et si la mère ne veut pas quitter cet état fusionnel, l’enfant sera alors plus objet que personne.

Certaines mères ressentent le besoin de cet enfant pour se sentir vivre, pour se sentir complète, elles ne pourront accepter la rupture de cette relation fusionnelle, ressentant cette étape comme une amputation d’une partie d’elle même. Ces mères vont alors tout faire pour éviter cette étape. Elles aduleront leur enfant, ne le quitteront pas, elle passeront le message que cet enfant est tout pour elles. L’enfant est alors victime d’une emprise séductrice qui sous couvert d’amour, va créer un emprisonnement empêchant son développement vers l’individualisation. L’enfant reçoit le message de l’interdit de la séparation.On parle alors d’une séduction narcissique.

Le couple mère-fille où la mère incapable de contenir sa propre agressivité ou pulsion sexuelle la passe à sa fille dans une relation fusionnelle où elle se vivent comme sœurs parfois même à leur insu comme un véritable couple. La fille venant retrouver sa mère au lit dès que la place est vacante. Échangeant les sous-vêtements, les habits, les confidences comme deux copines. La mère livrant parfois à son enfant fils ou fille des informations sur la vie sexuelle avec le père. (Ou dans une version plus perverse encore la fille est “offerte” au beau-père pour qu’il reste à la maison.) De telles situations renvoient dans le champ du fusionnel ; l’enfant est englouti dans une soupe de non-individuation, il perd son identité, la fille, elle, devient une sorte de clone de sa mère. Ces couples sont fondés sur l’emprise, jamais sur l’amour. Ce client incestuel  devient un risque quotidien, rarement dénoncé, jamais puni et particulièrement pernicieux car ceux qui sont dedans ont très peu de moyens d’en sortir tellement il est socialement “acceptable”.
Voici quelques signes qui peuvent révéler à différents âges la présence d’un climat incestuel dans une famille :

– un surinvestissement de l’enfant par la mère qui ne semble vivre que pour et par lui à l’exclusion de tout autre lien ; il est le centre de sa vie et de ses préoccupations, comblé, adulé, admiré, chéri, même si cet amour n’est de fait que le signe de l’intense besoin que la mère a de sa présence pour combler son vide intérieur. Sans lui, elle n’est plus rien, non parce qu’elle l’aime trop, mais parce que l’éloignement la renvoie à son vide . Il ne peut y avoir de véritable amour sans la prise en compte de l’individualité et la liberté de l’autre d’être lui-même, on en est ici très loin. Cette emprise maternelle souvent peu visible au début devient de plus en plus manifeste au fur et à mesure que l’enfant grandit, devient adulte. Sa dépendance à une mère envahissante est alors évidente.

– Le père lui même est écarté de la relation, et même privé de son rôle d’homme dans la famille. Dès que l’enfant paraît, le père est mis à l’écart, soit par une séparation effective, soit par une disqualification, il restera alors présent mais réduit au rôle de géniteur devenu maintenant inutile, ou simple pourvoyeur au service de cette inséparable dyade dans laquelle il n’a aucune place.

– L’enfant se doit d’être exclusivement l’objet de sa mère, aussi aura-t-elle pour but de le couper de l’extérieur, de le ramener toujours à elle. Aussi aura-t-il peu d’amis, sera-t-il tenu à l’écart de toute relation extérieure, car seule sa mère sait ce dont il a besoin et verra comme un danger toute intrusion de l’extérieur, même l’indispensable socialisation sera vécue comme dangereuse pour la dyade. La scolarisation sera faite à contre cœur, retardée dans la mesure du possible, les instituteurs, les activités extérieures évitées et dénigrées, etc…

A l’adolescence, les amours seront vécus par la mère comme une catastrophe que parfois elle fera tout pour empêcher, soit directement soit de manière plus manipulatrice , soit encore en s’immisçant dans la vie privée de l’enfant sous prétexte de complicité, de camaraderie.

– Le secret est la loi. Secret d’une relation qui ne se vit qu’à deux et dans laquelle le non dit est majeur.

– Pas de différenciation, pas de sexualité propre, il n’y a donc pas forcément intention sexuelle quand l’enfant dort tardivement dans le lit de sa mère prenant même parfois la place du père absent ou démissionnaire, quand il prend son bain avec elle ou est victime d’une proximité malsaine quelle que soit la forme qu’elle prenne. Il ne saurait y avoir inceste avec sa propre chair ! Nous l’avons vu la sexualité n’est ici que l’instrument du narcissisme.

– Pas d’indifférenciation, c’est encore la non reconnaissance de l’intimité de l’autre ; portes ouvertes, intrusions dans la vie privée sous toutes ses formes ; sous couvert de protection la mère doit tout savoir, tout contrôler, même sous une apparente permissivité.

– Porteur d’un idéal, l’enfant est tenu de s’y conformer, aussi devra-t-il devenir ce que sa mère veut qu’il soit, dans le déni total de son désir propre. Il sera donc formaté, fabriqué à l’image de cet idéal duquel il ne devra jamais s’écarter. Car c’est au travers de cet idéal que la mère se sent vivre.

– Séduit dans un premier temps par tant de privilèges affichés, il sera pris dans un second temps dans des inter relations de ce qui ressemble étrangement à une emprise perverse narcissique, qui le paralysera et lui coupera à jamais l’accès à son narcissisme propre.

– L’accès à l’Œdipe en tant qu’organisateur de la personnalité advenant dans un tel contexte ne peut qu’être gravement perturbé. Ce n’est pas l’interdit de l’inceste qui prime mais l’interdit de la différenciation.

– Arrivé à l’âge adulte, parfois l’enfant ne quittera jamais la mère, mais s’il y arrive quand même du moins physiquement, la présence maternelle restera prédominante et perturbera toute sa vie amoureuse. Ma mère d’abord, ma famille ensuite, au service de ma mère si possible, en tout cas après elle. A moins qu’il ne reproduise la relation avec un conjoint, véritable mère de substitution, dont le fonctionnement est identique et dont il deviendra fortement dépendant.

– Les effets sont là aussi transgénérationnels. L’inceste avéré est susceptible de créer un climat incestuel à la seconde génération, l’enfant utilisé comme ” bouche trou “, a quant à lui deux solutions principales : soit rester toute sa vie un être utilisé voire maltraité par d’autres perpétuant son statut de victime servile et utilisée, soit à son tour reproduire le système, en particulier sur ses propres enfants.

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