Être une bonne mère ? Qu’est-ce que cela veut dire ?
Aucune maman n’échappe, à la naissance de son enfant, aux multiples interrogations qui apparaissent :
- Suis-je une bonne mère ?
- Est-ce que je m’occupe suffisamment de mon enfant ?
- Suis-je trop présente ou pas assez ?
- Suis-je à l’écoute de mon enfant, à son rythme, à ses besoins ?
- Suis-je trop laxiste ou trop stricte ?
Les mamans qui viennent me consulter font état, très fréquemment, de leurs doutes, de leurs peurs et de leurs craintes de ne pas être à la hauteur… Le questionnement revient en boucle dans leur tête et leur cœur avec, très souvent, par ailleurs en parallèle, de multiples conseils et avis de leur entourage qui les culpabilisent et les remettent en question. Aussi, à défaut d’être parfaite, une mère est-elle pour autant une « mauvaise mère » ? Ni ange, ni sorcière, la mère « suffisamment bonne » se rencontre entre ces deux espaces, là où il y a place non seulement pour son enfant mais également pour elle-même.
En effet, un des pièges qui guette toute mère, c’est de se laisser prendre à l’image mythique de la mère angélique, toute abnégation, toute douceur, d’une patience sans limites.
A vouloir se maintenir à tout prix dans cette position, la mère ne peut que rencontrer la culpabilité car, évidemment, la perfection est inaccessible.
Tout comportement, tout sentiment s’écartant de l’image idyllique (comme d’avoir envie de secouer copieusement son rejeton, voire de le « couper menu », par exemple) ( Lire l’article : Les punitions envers les enfants : est-ce efficace ? ) est alors vécu comme être monstrueuse.
En fait, toute mère a vécu un jour des situations extrêmes : élever un enfant apporte beaucoup de joies mais c’est aussi un travail énorme.
C’est à oublier de le dire qu’on rend coupables les larmes, l’énervement et le découragement que provoque quelquefois le rôle de parent.
Pour les mères d’aujourd’hui, submergées de recommandations, la culpabilité est encore accentuée par le décalage qu’elles ressentent entre ce qui est l’image imposée de la mère et ce qu’elles se sentent aptes à assurer.
C’est Donald Woods Winnicott qui a introduit, le premier, le concept de la mère « suffisamment bonne ».
Après une formation de pédiatre, il devient chef de service de l’hôpital pour enfants à Londres, où il exercera pendant 40 ans en devenant psychanalyste en 1935.
Pour lui, une mère « suffisamment bonne » est une mère qui sait répondre aux besoins et désirs de son enfant, sans les ignorer… ni les devancer.
Il clame haut et fort que la mère parfaite n’existe pas.
De fait, ne peut-on envisager qu’être une « bonne » mère consiste tout simplement à être une maman aimante, mais imparfaite, indulgente avec elle-même, laissant aussi sa place au père ?
Pour Winnicott, la mère « suffisamment bonne » est une mère qui, pendant les premiers mois de la vie de son enfant, s’identifie étroitement à lui et s’adapte à ses besoins. Une telle mère permet au petit enfant de développer une vie psychique et physique à partir de ses tendances innées.
Il peut alors développer un sentiment de continuité d’existence qui est le signe de l’émergence d’un vrai self, un vrai soi.
Tous les travaux de Winnicott seront fortement marqués par sa double expérience de pédopsychiatre et de psychanalyste. Il s’attachera à comprendre l’influence de l’environnement dans le développement psychique de l’enfant.
Il estime que « le potentiel inné d’un enfant ne peut devenir un enfant que s’il est couplé à des soins maternels » . Ces soins ne sont pas les seuls garants de la santé mentale, il y a aussi les tendances innées vers l’intégration et la croissance
Il distingue deux périodes dans la vie du bébé :
De la naissance à six mois : période de dépendance absolue
Pendant cette période, l’enfant se trouve dans un état de dépendance absolue à l’égard de l’environnement, essentiellement représenté par la mère (ou son substitut), en ne sachant pas qu’il est dans cet état. Dans son esprit, lui et son environnement ne font qu’un.
L’idée maîtresse de Winnicott est qu’un bon environnement est nécessaire non seulement au bon développement de l’enfant, mais à son processus maturatif lui-même, qui tout en relevant de composantes innées, ne se réalise qu’à cette condition. Pour cela il faut que la mère puisse s’identifier à son enfant et s’adapter à ses besoins :
Trois fonctions maternelles vont permettre à la mère de s’adapter aux besoins du bébé :
- « l’object-presenting » ou le mode de présentation de l’objet : en offrant le sein/ le biberon à peu près au bon moment, la mère donne au bébé l’illusion qu’il a lui-même créé l’objet dont il ressent confusément le besoin. Elle permet ainsi au bébé de faire une expérience d’omnipotence. L’objet devient réalité au moment où il est attendu.
- le « holding » c’est-à-dire la façon dont l’enfant est porté. La protection contre les expériences qui pourraient être angoissantes et les soins quotidiens que la mère apporte à son bébé mettent celui-ci en contact avec une réalité extérieure simplifiée, répétitive qui permettent à son Moi de trouver des points de repères simples et stables, nécessaires pour son travail d’intégration dans le temps et l’espace.
- Le « handling » c’est-à-dire la manière dont il est traité, manipulé, soigné. Tout ce que la mère met en œuvre pour le bien être de son nourrisson (le changer, le baigner, le bercer …) lui permet de s’éprouver peu à peu vivant dans un corps et aura un rôle essentiel dans l’intégration psyché/soma.
De 6 mois à un deux ans environ : l’enfant entre dans la période de dépendance relative
Il reconnaît les objets et les personnes comme faisant partie de la réalité extérieure. La mère se dégage également de l’état d’identification à son enfant et reprend sa vie personnelle et/ou professionnelle.
Au début de la deuxième année l’enfant évolue progressivement vers l’indépendance. Il affronte petit à petit le monde et s’identifie à la société. Parallèlement se développe la socialisation et l’acquisition du sens social.
Quelques autres concepts développés par Winnicott :
La préoccupation maternelle primaire
Les mères, nous dit Winnicott, ont une capacité toute particulière à s’identifier à leur nourrisson pour savoir ce dont il a besoin.
Cette forme d’empathie s’élabore petit à petit au cours de la grossesse pour atteindre un état qu’il a dénommé « préoccupation maternelle primaire ».
Il définit cet état comme étant une « maladie normale », qui permet à la mère d’atteindre un état d’hypersensibilité qui dure pendant les premières semaines qui suivent la naissance.
C’est un état où tout est centré sur le bébé et qui suppose de la part de la mère qu’elle se détache ou renonce pendant un certain temps à certains de ses intérêts personnels, afin de les diriger sur l’enfant.
Selon Winnicott, cette préoccupation maternelle primaire conditionne le début de la structuration du Moi de l’enfant, qui repose sur « un sentiment continu d’exister suffisant », non interrompu par des carences de l’environnement
La mère : fonction de miroir
La mère joue un rôle de miroir pour son nourrisson : c’est par son regard que tout d’abord il se perçoit. Après quelque temps (aux alentours du troisième et du quatrième mois), lorsque se met en route le processus de différenciation, l’enfant passe de la projection à la perception et en regardant le visage de la mère, il verra tantôt son visage tantôt celui de la mère, pour aboutir ensuite progressivement (vers 6/8 mois) à l’élaboration de l’idée de la personne de sa mère.
Si le regard de la mère est empêché par la dépression ou des défenses trop rigides, ou encore si la mère ne répond pas, l’enfant ne reçoit pas en retour ce qu’il est en train de donner et ses capacités créatives peuvent s’atrophier, n’ayant pas de reflet de lui-même. L’échange avec le monde extérieur est déjà mis à mal.
Pour permettre à toutes les mamans qui vont lire cet article, je vous invite à prendre à compte ces quelques éléments de réflexion :
Être une “bonne mère”, c’est satisfaire aux besoins de son enfant
C’est bien évidemment dans les premiers mois de l’enfant que la disponibilité maternelle est la plus grande pour satisfaire aux besoins affectifs et vitaux du bébé.
La première année, la mère doit s’autoriser à jouer avec son enfant comme elle l’entend, le prendre dans ses bras aussi souvent qu’elle le souhaite, sans se censurer, La bonne attitude ? Se laisser guider par ses intuitions et être indulgente avec soi-même, sans chercher à être une mère parfaite.
Être une “bonne mère”, c’est encourager son enfant à l’autonomie
La mère est appelée à être en veille pour ne pas aimer son enfant pour elle-même, mais bien plutôt pour ce qu’il est…
Ne pas l’élever pour le garder près d’elle, mais pour qu’il puisse un jour acquérir toute son autonomie”. Savoir se détacher de son enfant c’est aussi faire en sorte qu’il bénéficie, en grandissant, d’expériences diverses et variées qui l’ouvriront au monde.
Dans cet objectif, on évitera de se montrer trop inquiète pour lui, de toujours craindre qu’il ne tombe malade, qu’il ait un accident… ». Il est là question de la surprotection nocive et destructive… l’important étant de trouver le bon équilibre entre sécurité et liberté.
Être une “bonne mère”, c’est laisser une place au père
C’est dès la naissance que le père doit prendre sa place auprès du bébé, sous réserve que la mère la lui laisse…
C’est en prenant dans ses bras son enfant que le père pourra, lui aussi, prodiguer des soins, de l’affection et laisser son amour se développer…
En portant son nouveau-né, un père laisse à son enfant une empreinte olfactive qui le sécurise et participe à l’installation de la relation affective.
Par ce contact physique, le bébé apprend aussi à distinguer le corps d’un homme de celui d’une femme. Une relation tendre et précoce pourra aussi permettre au père de mieux séparer le couple fusionnel “maman-bébé” en temps voulu.
Il reviendra au père de se montrer suffisamment présent avec son enfant pour à la fois le protéger avec affection (poser des limites, des interdits), mais également les “ouvrir” au monde extérieur…
Pour aller plus loin dans ces sujets, je vous invite à consulter mes précédents articles :
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