82019Nov
Quand la victime se sent coupable (viol ou agression sexuelle)

Quand la victime se sent coupable (viol ou agression sexuelle)

… J’ai été violée par mes 2 demi-frères, depuis l’âge de 6 ans à 13 ans, sans me rendre compte de ce qui se passait réellement ! J’ai laissé faire, comme si j’étais consentante… Du coup, je pense que je suis responsable de ce qui s’est passé

« … Je crois que j’ai mérité ce qui est arrivé (j’ai été violée par mon cousin, à plusieurs reprises, sur plusieurs années) car je n’ai pas dit non réellement… En plus, j’ai l’impression que mon corps réagissait comme s’il était d’accord… »

« … Je n’étais pas d’accord… J’ai dit non mais, au final, j’ai cédé et laissé faire… comme si je n’étais pas moi-même, pas là. J’ai arrêté de protester »

« … Je me sens coupable parce que je ne me suis pas opposée aux gestes de mon frère quand il a commencé à toucher mon corps, mon sexe, mes seins…J’avais 7 ans… Je n’ai rien dit, comme si j’étais consentante… Ça s’est arrêté lorsqu’ai été réglée… »

Telles peuvent être les confidences déposées à mon cabinet, par des jeunes femmes qui sont en difficulté dans leurs relations affectives et amoureuses et qui cherchent à s’affranchir des traumatismes qu’elles ont subis, au travers d’un viol.

Qu’est-ce qu’un viol ?

Ce que dit la loiSources : stop-violences-femmes.gouv.fr

Constitue une agression sexuelle : « toute atteinte sexuelle commise avec violence, contrainte, menace ou surprise » (articles 222.22 et 222.27 du Code pénal).

La loi distingue « le viol » des autres agressions sexuelles, comme supposant un acte de pénétration sexuelle, « de quelque nature qu’il soit (vaginale, anale ou orale, par le sexe, par la main ou des objets), également commis par violence, contrainte, menace ou surprise (article 222.23 du Code pénal).

Le viol est un crime et les autres agressions sexuelles sont des délits.

Exemples

  • Il y a recours à la surprise, lorsque la victime est endormie, inconsciente, ou encore dans un état d’alcoolémie ne lui permettant pas d’exprimer son non-consentement.
  • Il y a recours à la contrainte, lorsque l’agresseur exerce une pression physique sur la victime, ou lorsque l’agresseur exerce une pression morale sur la victime, notamment du fait de l’autorité qu’il a sur elle : professionnelle, familiale, financière, etc.
  • Il y a recours à la menace, par exemple, lorsque l’agresseur annonce des représailles en cas de refus de la victime.
  • Dans tous les cas, l’agresseur exerce une ou plusieurs formes de violence, pour arriver à ses fins.
  • Les agressions sexuelles ne sont pas toutes définies avec précision dans le Code pénal, mais regroupent par exemple les attouchements, la masturbation imposée, la prise de photos ou le visionnage pornographique sous contrainte (que ce soient des actes que l’agresseur pratique sur sa victime ou bien qu’il contraigne sa victime à les pratiquer sur lui).
  • L’exhibition sexuelle, imposée à la vue d’autrui dans un lieu accessible aux regards du public, est également un délit d’agression sexuelle.
  • Depuis 2013, constitue également une agression sexuelle « le fait de contraindre une personne par la violence, la menace ou la surprise à se livrer à des activités sexuelles avec un tiers ». (Art 222-22-2 du code pénal)


Il est également important de garder en tête les caractéristiques suivantes :

  • L’auteur des faits est le seul responsable. Le coupable, c’est l’agresseur.
  • Il ne s’agit pas nécessairement d’un viol commis par un homme sur une femme (l’inverse peut survenir) ;
    Par ailleurs, il est important d’avoir aussi en tête qu’il existe des situations où les choses sont plus floues. Certains parlent de zone grise, c’est-à-dire des situations où se pose la question de savoir :
  • S’il y a eu consentement,
  • Ou si, au contraire, il y a bien eu agression sexuelle, sans consentement.

Jugée floue et trompeuse, l’expression « zone grise » est de plus en plus décriée. C’est Nicole-Claude Mathieu, anthropologue française contemporaine, militante féministe, morte en 2014 très connue pour ses travaux sur le genre, dans une optique féministe qui a élaboré un travail considérable sur le sujet et qui a dit « Céder ne veut pas dire consentir ! ».

Au même titre, et dans la même logique, la psychiatre Muriel Salmona explique qu’elle voit, elle aussi, très souvent, arriver dans son cabinet, des patientes qui lui présentent les choses comme étant ambiguës, comme si elles avaient consenti. « On repère, très vite, dans les échanges et les confidences de la manière dont les évènements se sont déroulés, il y a situation de viol » dit Muriel Samona

Ainsi, au regard de ces nombreux témoignages, il est important de repérer où se trouve, alors la limite :

  • avec le consentement,
  • avec le malentendu,
  • avec le viol

Quelques éléments de réponses au regard de ma pratique

De façon fréquente, beaucoup de personnes pensent qu’un viol est nécessairement lié aux éléments suivants

  • Des cris, des coups, des blessures physiques,
  • Le fait que la victime se débat physiquement,
  • L’idée qu’elle dit clairement “non”.

Dans les faits, cela ne se déroule pas toujours ainsi.

En effet, il est souvent impossible pour la victime de dire non car elle est figée, dans une forme d’incompréhension de ce qu’il se passe, On dit souvent qu’elle est comme bloquée, sidérée.

Il est à noter, d’ailleurs, que cette sidération ne survient pas seulement dans les situations d’agressions sexuelles. Elles peuvent survenir lors d’attentats, de braquages ou même d’agressions physiques dans une gare, le métro, une rue. Il est alors fréquent de dire que la victime n’a plus la capacité de réagir à la situation de stress extrême qu’elle est en train de vivre. De fait, elle ne peut donc pas exprimer verbalement ou physiquement son refus.

La victime peut aussi avoir peur : peur de la personne qui veut lui imposer quelque chose, de sa réaction, ou des conséquences d’un refus. Elle se sent piégée et peut donc, ne pas s’exprimer. Il en est de même si la victime est alcoolisée, sous l’effet de substances quelles qu’elles soient qui transforment son rapport à la réalité et au monde, ou si elle est endormie. Dans tous ces cas, il n’y a pas -ce qu’il est habituellement convenu d’appeler- le consentement éclairé.

Il y a aussi une confusion courante, celle de croire que parce que le corps répond à une stimulation, elle sous-entend automatiquement que la personne est consentante.

La personne peut avoir une réaction physique qui reste une réaction corporelle automatique car il est possible que des hommes soient en érection ou que des femmes aient une lubrification vaginale pendant une agression. Il est même possible d’avoir un orgasme pendant une agression. C’est juste une réponse mécanique du corps à une stimulation, mais ça ne signifie pas que la personne est devenue d’accord avec la relation sexuelle, qui reste imposée. Les réactions du corps n’effacent pas le fait qu’une agression est une agression, que c’est un acte illégal, la relation forcée et qu’elle peut être traumatique. Il n’est d’ailleurs pas rare que les victimes qui ont ressenti une excitation sexuelle pendant leur agression soient d’autant plus marquées. Le sentiment de culpabilité et de confusion est plus fort.

Enfin, il est utile de préciser qu’une personne est considérée comme consentante si elle a obtenu toutes les informations utiles pour prendre sa décision, et ce, qu’elle soit en état et en âge de le faire.

Pour avancer dans la réflexion …

Pour sortir de la culture du viol, il est nécessaire d’éduquer au consentement et ce, dès le plus jeune âge. L’expression du consentement libre et éclairé des partenaires est la condition absolue d’une relation sexuelle ; sinon, il s’agit d’un viol ou d’une agression sexuelle. On se rappelle que le consentement est l’action de donner son accord à une action, à un projet ; acquiescement, approbation, assentiment (définition du dictionnaire Larousse)

Ainsi, dans ce registre, on peut énumérer les éléments suivants qui peuvent constituer des exemples ou des illustrations du propos :

  • Lorsqu’une personne énonce « non », cela veut clairement dire « non ». ce qui veut dire qu’il n’y a pas consentement !
  • Quand une personne (endormie, inconsciente excessivement ivre…) ne peut pas dire clairement « oui », cela veut dire qu’il n’y a pas consentement !
  • Quand une personne cède sous la menace, face à une violence physique, symbolique, psychologique : son « oui » n’est pas libre. Il n’y a pas consentement !
  • Le consentement peut être retiré à tout moment : même si la personne est votre conjointe, même si elle a flirté avec vous avant, même si vous avez déjà échangé des caresses, quand elle dit « non », c’est « non ». Sans consentement, il y a violence sexuelle !

Si vous pensez avoir été victime, le mieux, c’est d’aller consulter des professionnels qui pourront vous aider, vous conseiller et vous accompagner : des psys, des avocats, des policiers, mais aussi quelqu’un de la famille, de très bons amis.

Il est important de ne pas rester seul avec ce qui a été subi et qui a créé un traumatisme dont les conséquences peuvent, longtemps, empêcher de vivre sa vie relationnelle, amoureuse et affective.

Pour vous permettre d’aller plus loin …

Bande dessinée – « Appeler un viol un viol », tirée du blog Dans mon Tiroir de Marine Spaak – Lire la BD

Le Viol, un crime presque ordinaire, d’Audrey Guiller et Nolwenn Weiler, éditions du Cherche Midi – Lire des extraits

Association – Le Collectif féministe contre le viol (CFCV)- www.cfcv.asso.fr

Vidéo humoristique – « Qu’est-ce que vous portiez? », sketch sur le consentement tiré de l’émission Tracey Ullman’s Show –Voir la vidéo


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